(Courrier International) Diverses organisations protestantes sud-coréennes qui viennent en aide aux réfugiés nord-coréens ont en fait pour objectif essentiel l’évangélisation du pays de Kim Jong-il.
Le 26 mai dernier, le pasteur sud-coréen Song Pu-gun, de la Commission pour l’aide aux réfugiés nord-coréens, est monté dans un avion pour se rendre en un lieu tenu secret, quelque part en Asie du Sud-Est. Sa mission consistait à s’informer des conditions de vie dans les centres d’accueil clandestins pour réfugiés nord-coréens, d’où lui étaient parvenues des rumeurs de violences et de suicides. Aussitôt rentré au pays, le pasteur s’est adressé au ministère des Affaires étrangères. Deux mois après, 468 réfugiés ont pu gagner la Corée du Sud. L’opération, d’une envergure sans précédent, a été rendue possible grâce au soutien d’organisations protestantes regroupées autour du pasteur Song.
“Cette action est conforme à l’esprit chrétien : il faut aimer son prochain”, explique le pasteur Song.
Parmi la douzaine d’organisations sud-coréennes qui viennent en aide aux réfugiés nord-coréens en Chine et en Asie du Sud-Est, une grande majorité sont protestantes. La Corée du Nord représente à leurs yeux, tout comme l’Irak, une terre de mission où répandre la bonne parole. Selon les déclarations officielles de Pyongyang, la Corée du Nord compterait 30 pasteurs et 13 000 protestants. Le nombre des fidèles se situerait entre 60 000 et 200 000. La plupart des associations humanitaires protestantes cultivent le secret. Les premières n’hésitent pas à programmer une action collective [par exemple, en organisant l’intrusion d’un groupe de réfugiés dans un consulat étranger en Chine]. “On peut ainsi sauver des réfugiés”, déclare Chon Ki-won, responsable de la fondation Durihana, qui affiche par ailleurs sa mission évangélique.
O Yong-pil, qui a été arrêté deux fois par les autorités chinoises pour avoir aidé des réfugiés nordistes, n’est pas de cet avis. “Ce genre d’action est risqué et cache un objectif politique, à savoir l’effondrement du régime de Pyongyang.” Il ne peut pas oublier les cinq Nord-Coréens qu’il a tenté de faire entrer dans l’ambassade des Etats-Unis en Chine et qui ont finalement été arrêtés en même temps que lui.
D’autres organisations agissent de façon plus discrète. Leurs missionnaires utilisent un faux nom, souvent américain. “Jamie” demande au journaliste qui l’interroge s’il est croyant, car, s’il ne l’est pas, il aura du mal à comprendre. “Nous aidons les réfugiés, mais notre but est de les évangéliser.
Lorsque l’évangélisation entre en conflit avec le respect des droits de l’homme, nous renonçons aux droits de l’homme, qui n’ont pas de sens sans la foi religieuse.” L’organisation K, pour laquelle il travaille, a commencé à envoyer des missionnaires en Chine dès 1995, date à laquelle le nombre des réfugiés s’est brusquement accru.
Des réfugiés sont formés et réexpédiés au nord en mission
Les missionnaires distinguent les réfugiés voulant fuir définitivement leur pays de ceux qui en sortent en quête de nourriture avec l’intention d’y retourner. Et ce sont surtout ces derniers qui les intéressent. La première étape consiste à prendre contact avec eux en leur fournissant du ravitaillement. D’autres rencontres s’ensuivent. Des groupes de 5 à 10 personnes sont formés ; on y étudie la Bible sur une période pouvant aller de deux à six semaines. Certains de ces Nordistes sont ensuite sélectionnés pour devenir des missionnaires. Ils sont “réexpédiés” en Corée du Nord pour y propager le christianisme ou, si ce n’est pas possible, ils travaillent en Chine ou sont envoyés dans un autre pays. Ils introduisent également en Corée du Nord des exemplaires de la Bible.
Certains missionnaires du Sud travaillant en Chine prendraient même le risque de passer la frontière pour aller évangéliser les Nord-Coréens. Un membre de l’organisation N racontait : “Je sais que c’est contraire à la loi sud-coréenne, mais, en réalité, beaucoup font des allers et retours de part et d’autre de la frontière. Il n’est pas difficile, pour un missionnaire qui a longtemps été en contact avec les Nordistes, de se comporter comme eux.” Quant à “Jamie”, il ne nie pas l’existence de tels missionnaires. “Il peut arriver que certains, brûlant de foi, prennent des initiatives individuelles. C’est tout ce que je peux vous dire. Les croyants sont capables de choses que les non-croyants ne peuvent pas comprendre. L’âme compte davantage que le corps.”
Quelques organisations ont récemment mis en place un site Internet pour diffuser des comptes rendus périodiques au sujet de personnes réexpédiées au Nord et dont on est sans nouvelles ou qui ont “subi le martyre”. Si les méthodes de ces mouvements religieux extrêmement actifs varient, tous ont en commun la conviction d’obéir à la volonté de Dieu.