Absolument pas. L’Eglise nous enseigne qu’il ne faut pas communier quand on a conscience d’avoir « commis » un péché grave. Et pour nous aider, elle nous offre des critères objectifs pour savoir si mon péché est grave : respecter les dix commandements, etc. Mais elle ne peut pas connaître les intentions secrètes du coeur, et donc condamner une personne.
Pourquoi ces distinctions ? Parce que pour qu’un péché soit grave, il ne suffit pas que la matière du péché soit grave : il faut aussi que le péché ait été commis consciemment et volontairement. Si je vole un pain parce que je meurs de faim, cela n’est pas un péché, même si le vol est contraire à l’un des commandements de Dieu : parce que mon intention n’était pas de voler, mais de survivre.
Imaginez un iceberg. Comme chacun sait, seule une infime partie de l’iceberg émerge hors de l’eau. La plus grande partie de l’iceberg est cachée, dissimulée.
Le péché ressemble à cela : il y a la faute, celle que l’on voit tous et que les gens bien-pensants jugent trop vite. Mais la réalité du péché se dissimule là où personne d’autre que Dieu ne peut voir. Dans notre conscience. C’est la partie cachée de l’iceberg. Et aussi la plus importante aux yeux de Dieu. C’est pourquoi il ne faut pas juger.
Si donc personne ne peut juger le péché de son voisin, pourquoi l’Eglise se permet-elle de refuser à certaines personnes - comme les divorcés-remariés - l’accès à la communion ?
Il faut tout d’abord rappeler ici un principe fondamental de notre foi : personne au monde ne peut prétendre avoir un droit absolu aux sacrements. L’Eglise a certes le devoir de les distribuer. Mais nous n’avons pas à réclamer le sacrement comme un dû. Le sacrement est un don de Dieu. Don acheté par la Christ en mourrant pour nous sur la croix.
Il n’en demeure pas moins que l’Eglise, comme une lumière qui guide notre chemin, doit nous aider à faire le bien et à éviter le mal. C’est pourquoi elle nous rappelle certaines normes « objectives » qui nous permettent de déterminer la gravité de nos fautes. Elle ne fait pas cela pour nous punir, bien au contraire : mais pour nous éviter de risquer de commettre une faute encore plus grave ou bien de provoquer un scandale dans la communauté chrétienne.
En particulier, certains péchés concernent tellement la communauté chrétienne (notamment ceux qui vont contre le mariage, sacrement qui a une dimension sociale forte) qu’il est nécessaire d’avoir des règles claires. L’Eglise ne condamne donc pas un "divorcé remarié", car elle n’en a pas le pouvoir (elle ne peut pas juger les intentions secrètes du coeur) ; mais elle peut dire que c’est un comportement qui s’oppose tellement à la morale chrétienne et naturelle, qu’il entraîne une exclusion de la communion sacramentelle... et non pas de la communauté qui au contraire doit aider ces membres dans leurs difficultés, sans les juger.
Cela peut conduire, hélas, à certains paradoxes, qui peuvent être ressentis par les fidèles comme des injustices : un homme qui vit en concubinage ne peut pas communier, alors qu’il vit peut-être en état de grâce. A la messe, il voit communier l’un de ses voisins, qui est un champion en calomnies, médisances et ragots en tous genres. « Pourquoi celui-ci a-t-il le droit de communier et pas moi ? » se dit-il avec amertume.
En fait, ce dernier n’aurait jamais dû communier, car son péché est très grave, sans doute plus grave que celui du premier. Il n’en demeure pas moins que le concubinage est un état de vie patent contraire aux commandements de Dieu. Et l’Eglise a le devoir de nous le rappeler. Pour notre bien.
Si le premier homme sort de la messe avec un profond repentir, bien qu’il n’ait pas communié, il est probable qu’il sortira de l’Eglise justifié. Et pas l’autre.
Cela vous semble paradoxal ? Peut-être.
Peut-être pas.
Que faire alors, si l’Eglise m’exclue de la communion ?
Notre orgueil nous pousse souvent à commettre deux erreurs, apparemment opposées, mais très souvent liées : la prétention et le désespoir. La prétention, c’est se moquer des commandements de l’Eglise en s’auto-justifiant d’une façon ou d’une autre : « De toute façon, Dieu me pardonnera ; l’Eglise se trompe ; etc. ». Le désespoir, c’est abandonner tout espoir de salut - et donc toute pratique religieuse - en pensant que de toute façon, « je suis condamné »...
Mais il existe une troisième voie qui est le propre de notre foi chrétienne : l’espérance. C’est-à-dire la confiance absolue en l’infinie miséricorde de Dieu. Croire, contre toute espérance, que Dieu est amour, et manifester cette espérance en acceptant humblement les limitations que me donne l’Eglise, non pour me punir, mais pour m’empêcher de commettre d’autres fautes.
La grâce de Dieu n’est pas limitée aux sacrements.