Saint Vincent, l’un des plus illustres martyrs de Jésus-Christ, naquit à Saragosse, en Espagne. Son éducation fut toute chrétienne, et il fit de rapides progrès dans la connaissance des saintes Lettres.
Il était diacre, quand Dacien, gouverneur d’Espagne, l’un des plus cruels persécuteurs qu’ait jamais eus l’Église, en fit une des premières victimes de sa fureur. Rien n’est plus beau que le récit de son interrogatoire : "Ta naissance, Vincent, dit le juge, et ta brillante jeunesse excitent toute ma sympathie ; renonce à ta religion et choisis entre les honneurs ou les tourments. — Tu as pris trop de peine, répond le martyr, pour me faire apostasier ; je resterai chrétien et saurai mourir joyeusement pour la vérité. Les souffrances me vaudront la couronne des élus."
Comme prélude de son supplice, Vincent est étendu sur un chevalet, et, sous l’action des cordes et des roues, ses nerfs se rompent et ses membres se brisent : "Eh bien ! Dis-moi maintenant quelle est ta foi ? Reprend le féroce Dacien. — Tu combles aujourd’hui mes voeux, dit le martyr, laisse libre cours à ta rage, tes fureurs me conduisent à la gloire."
Le tyran s’irrite contre les bourreaux, trop timides dans leur besogne, et le supplice recommence plus horrible encore, à coups d’ongles de fer. Vincent sourit dans les tortures : "Vos idoles, dit-il, sont de bois et de pierre ; servez, si vous voulez, ces vains fantômes ; pour moi, je ne sacrifie qu’au Dieu vivant qui est béni dans tous les siècles." Dacien lui-même est touché de l’affreux état où il a mis sa victime : "Aie pitié de toi, Vincent, ne méprise pas ainsi la jeunesse dans sa fleur, épargne-toi de plus terribles châtiments."
Mais le saint diacre ne cède pas plus aux flatteries qu’aux menaces : "Langue de vipère, dit-il, je crains plus ton poison que tes tourments. J’ai pour me soutenir la parole de mon Sauveur, qui m’a dit : "Ne craignez point ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent rien sur l’âme." Alors on prépare un vaste gril de fer dont les barres sont autant de scies aux pointes aiguës ; on le place sur un brasier ardent et on y jette le martyr, qui bénit Dieu dans son affreux supplice.
Vainqueur du tyran, Vincent est retourné dans son cachot et soumis à de nouvelles tortures. Au milieu de la nuit, les anges viennent le consoler. Vincent rendit peu après le dernier soupir ; il avait vingt-deux ans. Saint Augustin a dit de lui : "Enivré du vin qui rend fort et chaste, Vincent triompha des tyrans qui voulaient ruiner le règne de Jésus-Christ."