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Questions Essentielles

Prêtrise

Prêtre, chaste et heureux !

Prêtrise et célibat, mission impossible ?

Dieu n’appelle pas le prêtre à aimer peu. Bien mieux, il appelle celui qu’il a lui-même doté d’un grand cœur, si grand qu’il peut embrasser tous les hommes et toutes les femmes pour leur apporter, sans distinction ni préférence, la grâce et le salut. Mais le prêtre est un homme, un homme comme les autres, avec des tendances affectives et sexuelles comme les autres hommes. S’il renonce à l’amour matrimonial et à fonder une famille, c’est parce qu’il a reçu le charisme du célibat pour se donner à l’amour exclusif du Christ et de l’Église. Cette vocation particulière est un don, non pas une limitation, comme on pourrait le considérer de façon purement humaine. Au milieu d’un monde où se trouvent des manifestations hédonistes et parfois subjugué par l’érotisme, le célibat pour le Règne des cieux est le signe de la présence de Dieu dans le monde, du triomphe de sa grâce sur la nature, et un rappel du monde futur.

Mais ce don laisse intacte la nature humaine blessée par le péché, avec toutes ses tendances et ses passions. C’est la raison pour laquelle, celui qui a reçu ce don doit savoir intégrer harmonieusement sa capacité d’aimer et d’être aimé dans sa condition de vie personnelle. Cela demande l’orientation de toute son affectivité vers son idéal sacerdotal qu’il a librement choisi en réponse à un appel préalable. L’intégration n’est ni simple ni indolore. Le cœur humain cherche spontanément à aimer quelqu’un en chair et en os. Celui qui vit le célibat doit accepter ce renoncement réel et crucifiant pour un amour d’une beauté indescriptible : l’amour du Christ qui unifie la personnalité et donne la force de dépasser toutes sortes d’obstacles que l’on peut trouver sur le chemin.

La maturité affective du prêtre est possible. C’est possible avec l’aide de la grâce de Dieu : « hors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). C’est possible avec la collaboration humaine qui doit prendre les moyens nécessaires pour y arriver. L’histoire de l’Église nous montre par l’exemple de tant et tant de prêtres fidèles, la possibilité de vivre en plénitude et avec fécondité, le don immense du célibat pour le Règne des cieux. Ce n’est qu’en le voyant ainsi, comme un don, seulement lorsqu’on est conscient de la fragilité du vase d’argile dans lequel nous portons ce trésor, que nous pourrons donner au monde la parole lumineuse de la béatitude évangélique : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu » (Mt 5, 8).

Mais si les prêtres avaient le droit de se marier, n’y aurait-il pas plus de vocations ?

Le Christ veut tout ou rien : il demande à ceux qu’il appelle de faire un choix radical de vie pour le Règne des cieux. Le Christ a toujours parlé clairement à ses disciples des exigences que comportait le fait de se mettre à sa suite. Il a parlé d’un chemin étroit, de la nécessité de porter sa propre croix tous les jours, de renoncer à sa propre vie, de servir les autres, de mourir comme le grain de blé pour donner du fruit ensuite. Quand il a rencontré le jeune homme riche, en constatant les bonnes dispositions d’esprit de ce jeune, il n’a pas rabaissé les conditions sous prétexte de l’attirer vers lui. Au contraire, il lui a nettement dit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21). Le jeune homme n’a pas accepté ces conditions. Il est parti triste, tête baissée, parce qu’il avait beaucoup de biens. À ce moment-là, le Christ ne lui a pas dit : « Ne t’inquiète pas ; nous pouvons arriver à un accord, il suffit que tu donnes la moitié et tu gardes l’autre moitié pour toi ». Il lui a demandé de faire un choix. Comme si le fond de sa doctrine résidait déjà quelque part dans la radicalité de ce choix de vie.

Il ne faut pas oublier que la vocation est d’abord un don de Dieu. Ce n’est pas la communauté qui appelle. La vocation n’est pas non plus une pathologie psychique. C’est un appel de Dieu. Ceux qui ont reçu cet appel témoignent souvent de l’aspect « désarçonnant » de la vocation : Dieu entre dans la vie d’un jeune et change tous ses plans : carrière, mariage, projets... Une parole insistante revient sans cesse dans leur cœur « Viens et suis-moi ! ». Dans une perspective d’horizontalité, la vocation ne peut être perçue que comme une ineptie et le célibat ecclésial comme une pure répression. Mais dans une perspective de foi, tout prend son sens : l’appel, les exigences, la consécration... toutes ces choses ont de la valeur parce qu’elle permettent d’aimer Dieu plus intensément.

Dieu n’appelle pas - et ne peut pas appeler - un jeune à une demi-vocation, une vie sacerdotale au rabais. Un fait le montre avec évidence : ce sont précisément les congrégations et les séminaires qui présentent une marche à la suite du Christ impliquant un don total de soi-même, sans rabais d’aucune sorte, qui ont le plus de vocations. La vie sacerdotale ne doit donc pas avoir peur de se présenter telle qu’elle est : une façon d’assumer l’Évangile dans toute sa force, c’est-à-dire dans toute sa beauté. Il n’y a pas à avoir peur de présenter aux jeunes l’imitation du Christ pauvre, chaste et obéissant selon les modalités propres à chaque institut, sans vouloir faire d’accommodements avec l’esprit du monde. La prêtrise a toujours comporté une séparation du monde, une rupture avec les formes de vie séculières qui sont loin de s’accorder avec l’esprit de l’Évangile. On ne peut pas servir deux maîtres. Cette rupture est nécessaire même si elle n’est pas la finalité de la vie sacerdotale qui, comme nous le savons, est de vivre la charité parfaite envers Dieu et envers le prochain. C’est une réponse et un appel à aimer davantage, à aimer mieux que dans le monde, d’un amour plus pur, plus parfait, plus beau.

Le mariage n’est-il pas adapté, par nature, à l’homme ?

La force de l’amour et de son expression par l’intermédiaire des affections, est insérée dans la nature de l’homme. Dieu a voulu le faire relationnel, un être capable de donner l’amour et de le recevoir. Personne n’est exempt de ce besoin naturel. Chacun, selon son état et sa condition de vie, doit arriver à réaliser cette vocation à l’amour. Le célibataire, la personne mariée, le prêtre ou le religieux le feront de façons différentes. Mais personne ne peut manquer à ce rendez-vous auquel Dieu l’appelle et pour lequel il a été créé.

Tout chrétien a besoin d’une discipline, pour prier, pour être vertueux. C’est un moyen nécessaire. Pour le reste, aujourd’hui, nous voyons combien une grande quantité de personnes se soumettent à la plus dure des disciplines pour se maintenir, par exemple, en bonne forme physique. Personne ne critique ces personnes qui s’imposent de grands sacrifices pour arriver à ces fins, bonnes en elles-mêmes, alors pourquoi critiquer la discipline qu’exige la vie selon l’Évangile ?

Le Christ était très réaliste par rapport à cet aspect-là quand il disait à ses disciples de s’efforcer à entrer par la porte étroite étant donné que la porte qui conduit à la perdition est large (cf. Mt 7, 13-14). L’apôtre saint Paul utilise l’image d’un athlète qui se prépare à courir un stade pour gagner ainsi une couronne périssable. De là, il en déduit que celui qui cherche une couronne impérissable devra faire donc davantage d’efforts que ceux qui luttent pour obtenir une récompense périssable (cf. 1 Co 9, 24-27).

Comment former un prêtre à vivre joyeusement le célibat ?

La formation d’un homme, et encore plus celle d’un prêtre, est une œuvre qui demande beaucoup de délicatesse comme pour la fabrication d’une montre de précision. Il ne doit manquer aucune pièce, il faut que toutes soient coordonnées entre elles, qu’elles soient à leur place exacte pour que le mécanisme fonctionne. Si nous voulons former des prêtres qui soient des modèles de vie chrétienne pour les fidèles, nous devons mettre tous les éléments propres à la formation intégrale correspondant à un homme qui consacre sa vie au sacerdoce catholique : la formation humaine, la formation intellectuelle, spirituelle et apostolique.

Exigence, mais pas rigidité. Le Christ fut exigeant avec les siens, mais jamais rigide. Quand nous disons que telle personne est rigide, nous l’imaginons comme inflexible, quelqu’un qui ne s’adapte pas à la réalité. Le Christ était réaliste. Il savait parfaitement ce qu’il y avait à l’intérieur de l’homme, de chaque homme. C’est la raison pour laquelle, même s’il présentait l’idéal évangélique avec toutes ses exigences, il savait comprendre les chutes, les erreurs, les faiblesses. Le cas le plus évident est celui de saint Pierre. Pour lui, le Christ n’a jamais abaissé l’idéal, pas même à la suite des reniements. Souvenons-nous de ce merveilleux passage où tous les deux se trouvent sur la rive du Lac de Tibériade et le Christ lui pose la question de l’amour : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21.15). Mais pour le Christ, l’exigence est pleine de raisons, de douceur, de tendresse, de recherche sincère du bien de l’autre. C’est en ce sens positif que l’on peut dire que l’Eglise est exigeante pour ses hommes parce qu’elle leur présente, dans toute sa beauté, l’idéal évangélique.

L’auto-conviction : une discipline basée sur l’amour. Un homme qui veut agir, qui prie, qui veut suivre le Christ pauvre, chaste et obéissant, qui veut acquérir une solide formation intellectuelle et humaine a besoin de s’imposer à lui-même une discipline. Mais cette discipline n’est jamais une camisole de force. Personne ne l’impose. C’est la personne elle-même qui, pour arriver à des fins déterminées, comprend qu’il faut suivre un chemin approprié pour y arriver. Si la discipline est purement externe, elle dure aussi longtemps que perdurent les structures qui l’imposent. Mais une fois celles-ci disparues, la discipline disparaît aussi. L’homme se construit de l’intérieur de lui-même, à partir de sa volonté, de sa liberté, de sa raison. C’est là que l’homme doit se discipliner volontairement.

Une fausse idée sur la maturité affective : On ne peut pas être naïf, permettant que les séminaristes s’abandonnent à des expériences affectives incontrôlables comme si elles ne laissaient aucune trace dans la psychologie et l’émotivité de l’homme et spécialement du jeune. Dans les années qui ont suivi le Concile, on a fermé quelques séminaires pour permettre aux séminaristes de mener une vie sociale en tout semblable à celles des laïcs, sous prétexte que cela faciliterait leur maturation affective. Les séminaristes pouvaient avoir leurs amies, aller avec elles au cinéma, en promenade, à la plage, etc., comme n’importe quel autre jeune. Ce qui est arrivé est que, ceux qui étaient normaux, sont tombés amoureux de ces filles et se sont mariés, abandonnant la voie du sacerdoce. Je crois que c’est une véritable injustice pour un jeune, appelé par Dieu à le suivre dans la vie religieuse ou sacerdotale, de ne pas lui donner les moyens nécessaires de persévérer dans cette vocation.

Que doit faire un prêtre à notre époque pour vivre la chasteté ?

Tout d’abord, enraciner sa vie dans l’Eucharistie, seule source d’où il peut tirer les forces nécessaires pour être fidèle au Christ. C’est l’Eucharistie qui donne au prêtre le pouvoir de vivre sa consécration totale à Dieu dans le célibat. C’est là qu’il trouve le remède à sa solitude, l’amitié toujours renouvelée avec le Christ, sa présence remplie d’amour ardent. Le Saint-père, en de nombreuses occasions, l’a rappelé aux prêtres et spécialement dans les lettres qu’il leur envoie à l’occasion du Jeudi Saint. La force sanctificatrice de l’Eucharistie est extraordinaire puisqu’elle contient le Christ lui-même.

Veiller et prier. Deux conseils du Christ lui-même, car le cœur est ardent... mais la chair est faible : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ». La prière aide à préserver la pureté du cœur.

Ne jamais permettre consciemment des amitiés trop « sensibles ». Une amitié sensible est déjà un pas qui conduit à la faute. Ne jamais rechercher le contact de ceux qui nous sont plus sympathiques parce que comme le dit Saint Augustin : la sympathie conduit à l’amour sensible, l’amour sensible conduit à l’amour charnel. Il ne s’agit pas de s’isoler, mais de ne pas chercher à cultiver une sympathie pour elle-même.

Reconnaître sa faiblesse. Quand on approche un vieux bout de bois trop près des flammes, il ne faut pas s’étonner qu’il prenne feu ! C’est pourquoi dans cette matière, il faut être extrêmement honnêtes avec Dieu et avec soi-même. Ne jamais présumer qu’on est assez fort, assez mature, assez saint pour faire face à toutes les tentations. Le premier pas de la sainteté, c’est reconnaître sa faiblesse ! Entrer en discussion avec la tentation, c’est déjà se soumettre à son attraction vertigineuse. On raconte ainsi que saint Thomas d’Aquin, dans sa vingtième année, fut soumis à rude épreuve par sa propre famille. Après l’avoir séquestré, ses frères envoyèrent dans sa cellule une demi-mondaine. Mais le jeune saint, conscient de la faiblesse de la chair, pris un tison ardent et chassa la prostituée avec une telle rage que sa famille se repenti bien vite de l’avoir mis à l’épreuve...

Etre prudent avec les femmes. L’expérience montre hélas que les prêtres, surtout s’ils sont jeunes et beaux, sont les cibles idéales pour certaines femmes. Peut-être parce que le prêtre, avec sa virginité et sa rectitude morale, a un grand pouvoir de fascination. On pourrait raconter mille histoires de ces malheureuses qui se sont un jour éprises d’un prêtre ! Certaines n’hésitent pas à inventer des histoires abracadabrantes, pour émouvoir ou pour se retrouver seule à seul. Généralement, cela commence par des compliments : « Oh, père, il n’y a que vous qui me comprenez », « Père, je suis si malheureuse depuis que j’ai rompu avec mon fiancé. Si vous ne m’écoutez pas, je crois que je n’aurais plus la force de continuer à vivre... ». Viennent ensuite les cadeaux, les petits mots, les confidences de plus en plus intimes, etc. C’est pour cette raison que les prêtres doivent toujours éviter de se retrouver seuls (en voiture, dans une sacristie, etc.) avec une femme.

Etre toujours ouvert à son directeur spirituel et à ses supérieurs. La beauté de la vie sacerdotale, c’est cette dépendance totale que le prêtre ou le religieux vit avec ceux qui le guident dans sa vie spirituelle et dans son ministère apostolique. Ainsi, l’homme qui vit dans la vérité ne craint rien.

Avoir recours à Marie. Le soutien spirituel et maternel de la mère de Jésus est une aide précieuse pour l’âme de celui qui veut protéger son cœur contre l’impureté.

Se relever aussitôt après les chutes. On peut avoir, par honte ou par orgueil, du mal à accepter sa faiblesse. Les chutes font partie de toute vie humaine et rendent le choix de vie du prêtre encore plus valeureux. Peu importe de tomber mille fois, si on aime la lutte et pas la chute ! C’est pourquoi, le prêtre plus que tout autre chrétien doit valoriser profondément l’aide de la confession fréquente : source de force, de joie et de paix.

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