Dans les Evangiles se trouvent quelques passages qui semblent enlever à Marie sa gloire. Pourtant en examinant ces passages à la lumière du contexte de l’époque où ils ont été écrits, on se rend parfaitement compte qu’il n’existe aucune contradiction et que la figure de Marie reste tout à fait claire.
Trois fois on parle clairement des « frères de Jésus » :
« Jésus parlait encore à la foule, quand sa mère et ses frères guettaient dehors pour avoir l’occasion de lui parler. Quelqu’un lui dit : Votre mère est là dehors ainsi que vos frères ; ils désirent vous parler. » (Mt 12, 46-47)
« D’où lui vient cela et quelle est cette sagesse qui lui est départie ? Et comment de si grands miracles s’accomplissent-ils par ses mains ? N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? » (Mc 6, 2-3)
« C’est bien le fils du Charpentier. Marie n’est-elle pas sa mère ? Jacques, José, Simon et Jude ne sont-ils pas ses frères ? Toutes ses sœurs vivent parmi nous...D’où lui vient donc tout cela ? » (Mt 13, 55-56)
La lecture de ces textes amène à la conclusion que Marie, ayant eu d’autres enfants, n’est pas vierge. Mais avant de tirer des conclusions faciles qui s’opposent aux textes reportés au début et à la tradition millénaire de l’Eglise Catholique, il faut voir le sens du mot « frère » dans la Bible ; et de qui sont les fils appelés « frères de Jésus ».
« Frère » en hébreu et araméen s’utilise pour désigner des personnes apparentées, même de façon lointaine. Un simple exemple se trouve dans le livre de la Genèse où il est clairement dit que Lot était le neveu d’Abram :
« Tharé engendra Abram, Nachor et Aran ; Aran engendra Lot. » (Gn 11, 27)
Plus loin, Abram appelle Lot « frère » :
« Abram dit à Lot : Qu’il n’y ait pas, je te prie, de différend entre nous deux et entre nos bergers. Nous sommes frères. » (Gn 13, 8)
Dans Gn 14, 14-16, Abram appelle à nouveau Lot son « frère » :
« A la nouvelle de la capture de son frère, Abram mit sur pied trois cent dix-huit de ses gens les mieux éprouvés, nés dans sa maison, et il poursuivit les rois jusqu’à Dan. Là, divisant sa troupe pour les attaquer de nuit avec ses serviteurs, il les battit et les poursuivit jusqu’à Hoba, qui est au nord de Damas. Il reprit tous ses biens pillés et ramena aussi Lot, son frère, avec ses biens. »
Nous avons d’autres exemples dans les textes de la Genèse (Gn 29, 10-12). A côté de cette explication, nous trouvons clairement dans les évangiles que Marie, la mère de Jésus, n’est pas la mère de ces « frères ». Il s’agit d’une autre Marie. Matthieu, quand il parle des femmes qui étaient au Calvaire, dit :
« Il y avait aussi quelques femmes qui regardaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée, pour le servir. De ce nombre étaient Marie de Magdala et Marie, mère de Jacques et Joseph, et la mère des fils de Zébédée. » (Mt 27, 55-56)
Nous lisons également dans Marc :
« Il y avait aussi des femmes qui regardaient de loin. Parmi elles, Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques le petit et de José et de Salomé, qui le suivaient et le servaient quand il était en Galilée, ainsi que plusieurs autres femmes qui étaient montées avec lui à Jérusalem. » (Mc 15, 40-41)
Et s’il restait encore un doute, il existe un autre texte tout à fait significatif. Avant de mourir, Jésus confia sa mère à Jean.
« Auprès de la croix se tenait sa mère, la sœur de sa mère, Marie femme de Clopas et Marie de Magdala. Jésus voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : Femme, voici votre fils. Ensuite au disciple : Voilà ta mère. A partir de ce moment-là le disciple la prit chez lui. » (Jn 19, 25-27)
Il est donc évident que Marie n’avait plus d’époux (Joseph était mort) ni d’enfants qui puissent l’accueillir. Chez les juifs c’est une malédiction qu’une femme reste seule.
Il existe d’autres textes qui ont besoin d’être éclaircis afin de ne pas faire d’erreur. En parlant de la naissance de Jésus, l’évangéliste Luc utilise le terme « premier-né » :
« Et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche, faute de place pour eux à l’hôtellerie. » (Lc 2, 7)
Pour notre mentalité actuelle, il est clair que l’utilisation de ce terme s’oppose à celui d’« unique ». Ainsi Marie aurait eu d’autres enfants. Mais cette conclusion perd sa logique si on étudie, dans le contexte historique, la signification qu’on lui donnait.
Au sens biblique (« bejor » en hébreu) c’est le premier fils, qu’il soit unique ou qu’il soit le premier de plusieurs. Cela vient de la loi de Moïse qui exigeait la consécration du premier fils, qu’on appelé « premier-né ». Peu importait qu’il soit le premier d’autres enfants ; d’ailleurs on n’attendait pas la naissance d’un autre enfant pour consacrer le premier :
« Tu consacreras au Seigneur tout premier-né. Mêmes les premiers-nés de tes animaux. Les mâles appartiendront au Seigneur. » (Ex 12, 12)
La loi prescrivait la date du rachat et ce qu’on devait payer (Nb 18, 15 et Lv 5, 7 ; Lv 12, 8) Ainsi pouvons-nous lire dans Luc :
« Lorsque les jours de la purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le porter au Seigneur » ( Lc 2, 22-24)
La découverte qu’on fit en 1922 à Tell-el-Yehudieh (Egypte) est intéressante. Il s’agit d’une pierre mortuaire de - 5 avant Jésus. L’inscription fait allusion à une femme hébraïque Arsinoe, à qui elle était dédiée : « Dans les douleurs de l’accouchement de mon premier-né le destin me conduisit à la fin de ma vie ». Il semble logique que si cette femme juive mourut en donnant la vie à son fils premier-né, elle n’en eut pas d’autres ; pourtant malgré cette évidence on parle du « premier-né ».
Deux autres textes doivent aussi être expliqués parce que certains disent que Jésus n’appréciait pas sa mère. Indépendamment des textes, cette interprétation ne peut être exacte, car ce serait rabaisser Jésus au niveau de certains enfants grossiers qui maltraitent leur mère.
Dans Matthieu, on lit :
« Quelqu’un lui dit : Votre mère est là dehors, ainsi que vos frères : ils désirent vous parler. Mais Jésus répondit : Qui est ma mère, qui sont mes frères ?...Quiconque fait la volonté de mon père qui est dans les cieux est pour moi un frère, une sœur et une mère. » (Mt 12, 47-50)
Comme il a été observé, il n’est pas concevable que Jésus manque de respect à sa mère. Ce qu’il a voulu souligner là, c’est l’importance d’accomplir la volonté de Dieu. Par ailleurs nous pouvons voir un éloge de Jésus à sa mère, qui n’est pas devenue sa mère par hasard ou inconsciemment, mais parce qu’elle accomplit la volonté du Père. Il suffit de lire le dialogue de Marie avec l’Ange Gabriel, pour s’en convaincre (Lc 1, 26-38)
Le dernier texte que nous voulons examiner est la réponse que Jésus fait à sa mère à l’occasion de son premier miracle aux noces de Cana.
« Le vin manqua. La mère de Jésus lui dit : ils n’ont plus de vin. Jésus lui répondit : Mère, en quoi cela nous concerne-t-il ? Mon heure n’est pas encore arrivée. » (Jn 2, 3-4)
Cette phrase pourrait sembler dure, si elle n’était pas dirigée par Jésus à sa mère et si nous ne tenions pas compte de ce qui a suivi : Jésus anticipe son premier miracle pour obéir à sa mère.
« C’est ainsi que Jésus manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. » (Jn 2, 11) Marie avait laissé la primeur à Jean-Baptiste (Lc 1, 29). Cette fois, elle intervient pour hâter le commencement de l’évangile, ensuite elle ne parlera plus. Ses dernières paroles sont « Faites tout ce qu’il vous dira. » (Jn 2, 5)
Nous, catholiques, avons toujours considéré que les paroles prononcées par Jésus du haut de la croix à son apôtre Jean : « Voici ta mère » sont une invitation à ce que nous recevions Marie comme mère, puisqu’il est notre frère. Par son sang il nous a élevés à être les membres de sa famille : fils de Dieu, ses frères et finalement les fils de la même mère, Marie. Nous avons tous ressentis dans notre vie, son amour maternel et nous sommes fiers d’elle. C’est pourquoi nous désirons aussi que tous nos frères chrétiens aient les faveurs qu’elle obtient de son fils pour ceux qui l’honorent ; nous les invitons avec les paroles mêmes du Christ agonisant : « Frères, c’est votre mère ! Comme Jean, acceptez-la chez vous. »